L’abbé Pierre, le créateur d’Emmaûs nous avait répondu à la sortie de son dernier livre
LA VOIX DES EXCLUS, UN ESPOIR POUR LES COMPAGNONS
A 93 ans, le fondateur d’Emmaüs, a lutté contre l’exclusion et la pauvreté jusqu’au bout. Temps Libre a eu la chance de le rencontrer en 2008. Interview avec un homme d’exception :
Où trouvez-vous la force pour vous battre encore et encore ?
Je dis toujours que si je n’avais vécu cloîtré durant six années, levé toutes les nuits à trois heures et resté dans l’adoration, je n’aurais jamais eu la vie que j’ai menée ensuite. Et puis lorsqu’on est avec ceux qui souffrent, on a mal de leurs souffrances. c’est cela qui me fait réagir. J’ai mal pour ces enfants, ces femmes et ces hommes, exclus ou mal logés, et je ne peux pas me dérober à leur douleur.
Quelles sont les missions de la Fondation de Abbé Pierre ?
La fondation a été créée, pour le logement des plus défavorisés. Ceux qui oeuvrent dans nos communautés travaillent plus que leur suffisant pour aider plus pauvres qu’eux, mais ils ne pouvaient pas faire face à ces problèmes seuls. La fondation a été créée pour demander à “Monsieur et Madame tout le monde” et aux entreprises, de nous aider dans cette tâche. Sa mission c’est d’aider à la construction de logements pour les plus pauvres et dénoncer tout ce qui fait qu’aujourd’hui, nous en soyions encore à ce manque cruel de logement.
Selon vous à quoi doit-on l’exclusion, la pauvreté et la misère ? Que faire pour aller vers une société plus juste ?
Nous aurons toujours des personnes qui restent sur le côté et qui seront blessées par la vie. L’important pour nous, qui sommes bien au chaud, c’est d’être conscient que notre devoir est de les aider. Etre certain que la grandeur des forts, réside dans la possibilité d’aider les faibles. Nous n’aurons jamais la possibilité d’être heureux sans les autres. C’est la raison pour laquelle je répète “et les autres et les autres”.
Quel conseil nous donnez-vous pour mieux aider notre prochain ?
Pour mieux aider l’autre il faut d’abord l’écouter, être attentif à ce dont il a réellement besoin et non calquer nos propres besoins sur les siens. En ce sens, “le vivre avec”, que nous pratiquons dans nos communautés est primordial.
Vous avez donné votre vie pour les autres, aujourd’hui quel bilan tirez vous de votre action ?
J’ai fait ce que j’ai pu. Souvent je dis à mes amis, s’il est une chose que je voudrais qu’on inscrive sur ma tombe, c’est : “Il a essayé d’aimer”. En ce sens, on est jamais complètement satisfait et si des gens nous disent, “c’est formidable ce qui a été accompli”, nous ne nous en rendons pas compte. Ce que nous voyons, c’est tout ce que nous n’avons pas fait.
Quelle est la plus belle chose que vous ayez réalisé dans votre vie ?
Ce n’est pas à moi de le dire.
Avez-vous des regrets ?
Oui . De n’avoir pas fait plus .
Quel est votre plus grand rêve ?
La rencontre avec Jésus à laquelle je me prépare depuis si longtemps et qui tarde à venir.
Que vous inspire la jeunesse de 2005 ? Comprenez-vous les émeutes dans les banlieues ?
Ces cités sont construites comme si on avait voulu créer de l’exclusion. En dehors des villes, loin de tout, on concentre là, des familles et leurs problèmes. Comment veut-on que ça ne fasse pas des émeutes ? Les jeunes ont tort de détruire ou de brûler les voitures de leur voisin, mais ceux qui refusent que l’on construise le quota de logement sociaux sur leur commune portent aussi une lourde responsabilité. Il faut nous mobiliser et faire prendre conscience aux gens qu’il y a urgence à accueillir les plus pauvres dans toutes les communes. C’est de cette manière que nous retisserons du lien social. Si des jeunes formés et d’autres qui ne le sont pas, peuvent travailler ensemble, et accomplir quelques tâches au service de la collectivité, je pense qu’on aura alors résolu une partie du problème.
Pour vous quel est le sens de la vie ?
La vie, c’est un peu de temps donné à des libertés, pour, si tu veux, apprendre à aimer.
“Mon Dieu, pourquoi ?”
Dans ce livre , l’Abbé Pierre livre sur le ton de la confidence et avec une totale liberté d’esprit, ses interrogations, ses convictions, et ses indignations sur le sens de la vie. Qualifié par certains de “catholiquement incorrect” par d’autres “d’ouvrage testament”, le mieux pour se faire une idée est encore de le lire !
“Mon Dieu Pourquoi ?”, Editions Plon, 110 pages, 18,30 €