Journaliste engagée mais jamais complaisante, éditorialiste mordante mais jamais acerbe, Catherine Nay est tombée dans la marmite politique à 24 ans. Témoin privilégiée de la vie politique française depuis la fin des années de Gaulle, elle signe avec « l’Impétueux » son sixième ouvrage dans les coulisses du pouvoir, et relate la grande histoire du quinquennat de l’ancien Président Nicolas Sarkozy à travers l’histoire intime de son couple qui se brise.
Vous avez commencé votre carrière à « l’Express », au service politique chargé de la droite. Êtes-vous venue à la droite, ou la droite est-elle venue à vous ?
J’étais la benjamine du service : dans le contexte de mai 1968 où la droite semblait devoir être rapidement battue dans les urnes, on donnait le gaullisme aux jeunes dans les rédactions ! Mais au lieu de cela, nous nous sommes retrouvés avec une assemblée bleue horizon en juin, et mon travail journalistique sur l’état de droite s’est du coup avéré bien plus porteur qu’on ne l’aurait cru quelques mois plus tôt !
Avez-vous le sentiment d’avoir dû batailler plus que ne l’aurait fait un homme pour vous faire cette place qui est aujourd’hui la vôtre ?
Pas du tout. Jean Jacques Servan-Schreiber a toujours laissé la place aux jeunes, et aux femmes. Ça rentrait dans l’esprit moderne et libéral de « l’Express ». Il a cofondé le journal avec Françoise Giroud. Je réalisais des enquêtes, grisée par mon métier, mais je me suis également rendu compte à cette période que mon écriture était lente, que j’avais des difficultés avec les exigences du court terme. Si j’étais restée à « l’Express », je n’aurais sans doute pas écrit. Et je voulais écrire des livres, prendre ce temps nécessaire. Je me suis au fil des années aménagé une niche : je suis une journaliste politique qui écrit des livres !
Vous évoquez Françoise Giroud. Elle racontait justement qu’elle recrutait de jeunes et jolies journalistes pour obtenir plus facilement les confidences des hommes politiques…
Vous pensez à la promotion canapé ? (rires). Sérieusement, bien sûr que c’est plus facile. À condition que la tête soit bien pleine et pas simplement bien faite.
Les liens entre le monde politique et journalistique suscitent souvent le fantasme ou la suspicion dans l’opinion publique. Comment s’y prend-on pour être suffisamment proche tout en évitant la collusion ?
Il faut éviter de glisser de la compréhension à l’adhésion. Les politiques que l’on suit, on finit par les voir souvent, on dîne ensemble, le tutoiement s’impose, ils ne révèleraient rien sans ces liens. Mais j’ai toujours gardé mon quant-à-soi. Voir le Président Mitterrand interviewé, lors d’une campagne présidentielle, à la fois par Anne Sinclair et Christine Ockrent quand leurs maris étaient ministres de son gouvernement me posait quelques problèmes…
Venons-en à « L’Impétueux ». Comment s’y prend-on pour rédiger une telle enquête aux allures de roman ?
Beaucoup de travail ! Le premier chapitre sur les coulisses du Fouquet’s et la rupture entre Nicolas et Cécilia Sarkozy (ndlr : voir notre interview de Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy) est le fruit de 8 mois d’enquête. J’ai interrogé les amis de Cécilia, sa confidente, les proches du couple, épluché les commissions d’enquêtes sur l’épisode des infirmières bulgares, recoupé les informations…
Mais jamais les deux protagonistes.
Surtout pas, j’appréhendais Nicolas Sarkozy dans les témoignages des autres, pour ne pas perdre ma liberté d’enquête. Du reste, le Président était très secret, ses fils ont appris le divorce par la presse ! Nicolas Sarkozy est un hypersensible, pudique quand il s’agit de ses sentiments, il ne supporte pas que l’on se plaigne. Il encaisse et souffre en silence.
On ne devient pas président quand on est élu, mais quand on parvient à habiter la fonction. À quel moment pensez vous que Nicolas Sarkozy s’est définitivement glissé dans son costume ?
Indéniablement, par son comportement de leader pendant la crise, dès l’élection présidentielle. Il faut une santé hors norme pour tenir ainsi. Hors norme est un qualificatif qui définit d’ailleurs bien Nicolas Sarkozy. Ses défauts sont ceux de ses qualités, il est souvent victime de son tempérament exalté, empathique, à fleur de peau.
Catherine Nay vous présente son ouvrage « L’impétueux, tourments, tourmentes, crises et tempêtes » aux éditions Grasset.
On connaît la journaliste Catherine Nay, mais peu la femme. Êtes-vous engagée dans le monde associatif, ou culturel ?
Non, j’avoue que je n’ai pas le temps. Mais j’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui s’investissent dans des actions caritatives.
Comment aimez-vous occuper le peu de temps libre que vous avez ?
Je m’attache à souder mon clan ! Je n’ai pas d’enfants, mais j’essaie de passer le plus de temps possible avec mes frères et mes neveux. On se retrouve souvent le week-end dans ma maison de campagne. Mon urgence est que ma famille aille bien !
Biographie de Catherine Nay
C’est à Tours, dans l’Indre-et-Loire, que naquit Catherine Alix Françoise Nay le 1er janvier 1943. À 74 ans, elle traine derrière elle un lourd passé journalistique et littéraire qui lui a permis de bâtir un solide réputation d’écrivaine politique. Ses liens à l’univers politique remontent à son adolescence et c’est dans son parcours que l’on découvrira, qu’en réalité, elle était plus faite pour être politologue.
Ses débuts en journalisme
Si aujourd’hui le nom de Catherine Nay est lié à de nombreux ouvrages politiques très célèbres, elle a d’abord débuté en tant que journaliste. Ses études de droit ont été une suite logique à son parcours au primaire et au secondaire à Périgueux. Malheureusement, elle ne finit pas sa licence en droit avant d’être engagée en 1968 au service politique du magazine d’actualité hebdomadaire français l’Express.
Grâce à Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, les fondateurs de l’hebdomadaire, elle obtient rapidement de solides responsabilités. Chargée de la Droite, elle intègre très vite le milieu politique où elle apprend les ficelles du métier. C’est là que sa passion pour la politique se révéla davantage au point de devenir une vocation.
Cela lui valut d’être engagée à Europe 1 en 1975 avant de devenir conseillère auprès du président de la radio privée généraliste, Monsieur Jean-Pierre Elkabbach. Les émissions politiques à l’antenne s’enchainent et pendant des années, les auditeurs ont le plaisir de l’écouter débattre de questions politiques sur des émissions comme :
- Les grandes voix d’Europe 1
- Il n’y en a pas deux comme Elle en 2011
- Qui veut devenir président ? en avril 2012
Si le journalisme lui a ouvert les portes de la politique, c’est avec l’écriture que Catherine bâtira sa carrière.
Elle est au cœur de quelques polémiques comme en 2016 avec l’affaire des financements Libyen où un journaliste de Mediapart révèle son « ignorance ». En 2017, elle a réalisé sur Europe 1 une « une longue interview en guise de rentrée présidentielle » d’Emmanuel Macron.
Plus écrivaine politique que journaliste
Catherine Nay signa son tout premier livre (format papier et format numérique) moins de 10 ans après le début de sa carrière journalistique. Parue aux éditions Grasset, La Double Méprise est un ouvrage de 284 à travers lequel Catherine s’attaque au sujet sensible de la relation entre Valéry Giscard d’Estaing et son premier ministre Jacques Chirac. Quatre ans plus tard, elle enchaina avec Le Noir et le Rouge, ou l’Histoire d’une ambition. En tout, Catherine publia 7 œuvres, tous parus aux éditions Grasset dont :
- Les Sept Mitterrand, ou les Métamorphoses d’un septennat en 1987
- Le Dauphin et le Régent le 1er octobre 1994
- Un pouvoir nommé désir le 17 janvier 2007
- L’Impétueux : Tourments, tourmentes, crises et tempêtes le 7 mars 2012
Elle est l’auteur de :
- L’impétueux
- Un pouvoir nommé désir
- Les sept Mitterrand
- Le Noir et le Rouge – ou l’histoire d’une ambition
- La double méprise
Personnalités associées à ce personnage :
- Servan Schreiber
- Jean jacques Servan
- Nicolas Sarkozy
- Jean pierre Elkabbach
- Francoise Giroud
- David Pujadas
- Christine Ockrent
- Albin Chalandon
- Simone Veil
- Michele Cotta
- Segolene Royal
- Bernard Kouchner
À travers ses livres, Catherine Nay est devenue une référence en matière de critique politique en France.
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