Après le succès de son premier film, “Odette Toulemonde”, Eric-Emmanuel Schmitt réalise une adaptation de son roman “Oscar et la dame rose”. Il met en scène un enfant de 10 ans, Oscar, atteint d’un cancer. De son œil fantaisiste, il transforme le drame en conte.
Article paru en 2010
« ‘l’imagination rend heureux »
Auteur à succès” dont les livres sont traduits en plus de 40 langues, normalien agrégé de philosophie, Eric-Emmanuel Schmitt n’en reste pas moins un homme abordable. Dans son deuxième film, il évoque un sujet tabou : la mort d’un enfant atteint d’un cancer. Cette histoire atypique, interprétée par de bons acteurs (notamment Michèle Laroque dans le rôle de la “dame rose”), est un beau conte à voir en famille. Le drame y laisse place à l’imagination et à la joie de vivre. Une leçon de vie !
On vous connaît d’abord comme écrivain et dramaturge. D’où vient cet amour pour le cinéma ?
Il est aussi vieux que mon amour pour les livres, c’est un désir très ancien que j’avais mis de côté. Lorsque j’étais petit, je disais que je voulais faire “Walt Disney” quand je serais grand pour écrire des histoires et faire des films. Finalement, je m’étais limité à l’écriture et le cadeau du cinéma est venu à ce que, j’espère, être le milieu de ma vie.
“Oscar et la dame rose” a tout d’abord été un roman, puis une pièce de théâtre et aujourd’hui un film. Aviez-vous envisagé ce cheminement dès le début ?
Quand j’ai écrit le roman, j’avais déjà des images en tête mais aussi de grandes réticences : la peur de l’image d’un enfant malade, chauve. Je pensais que si on le voyait souffrir on ne l’entendrait plus, qu’il instaure tant de pitié qu’on ne puisse pas voir la part de vie d’Oscar, son intelligence et tout l’optimisme qu’il a à nous donner. C’est pour cela qu’au théâtre, la pièce a toujours été jouée par une seule personne, la dame rose. Finalement, je me suis dit que si je trouvais un enfant qui reste une vraie force de vie malgré le crâne chauve, on pourrait à nouveau l’entendre…
Tout l’enjeu du film a donc été de trouver l’acteur qui pouvait incarner Oscar…
Oui et je l’ai trouvé après avoir auditionné 200 enfants ! (rires). Amir mêle à la fois la joie, la fragilité, l’humour et la malice d’Oscar, sa capacité d’être en colère sans être haineux. C’est une belle âme. Ma seule appréhension était de savoir s’il réussirait à transmettre tout ça une fois qu’on lui aurait coupé les cheveux.
Et quelle a été sa réaction quand il s’est découvert rasé ?
Il s’est évanoui devant la glace !
La mort et la maladie d’un enfant est un sujet grave, voire tabou. Comment était l’ambiance sur le tournage ?
Les enfants nous ont mis à l’aise ! Leur rapport à la mort est très différent : pour eux, cela n’a pas de connotation affective, c’est philosophique. Ils envisagent la mort sans pathos, comme Oscar, qui ne pleure jamais. C’est une belle leçon !
Ce film a donc une grande valeur intergénérationnelle…
Oui et j’espère que le film va connaître le même trajet que le livre. Le propre de son succès a été d’être lu par des jeunes adultes, des personnes plus âgées et puis surtout par les enfants, qui s’en sont emparés. L’histoire et la personnalité d’Oscar, qui parle franchement de ce qui lui arrive, leur ont plu. De la même façon, il a touché les adultes qui avaient peur de la maladie et de la mort.
L’ambiance du film est celle d’un conte. Cela est dû en partie à la “dame rose” et à son passé de catcheuse…
Oui, elle apporte du rire, de la fantaisie, du courage car elle seule se permet de dire les choses franchement. Ce passé de catcheuse permet d’entrer dans l’imaginaire de l’enfant, de voir les choses à travers ses yeux. On a tous besoin de retrouver la capacité de s’étonner.
Ce film est une ode au bonheur. Quel est-il selon vous ?
Je pense qu’un grand bonheur est fait de petites choses : de sourires, de regards qui se croisent, des plaisirs du quotidien. Le bonheur est presque le renoncement à certaines grandes ambitions et c’est pour cela aussi qu’il est difficile à atteindre ! Il passe aussi par la fantaisie, l’imagination, l’art. Je ne peux pas être heureux, si on ne me raconte pas des histoires ou si je n’en raconte pas. L’imagination enrichit le quotidien.
L’une des valeurs récurrentes dans toute votre oeuvre est la tolérance…
Oui, c’est une valeur très importante ! J’ai une forme spontanée de tolérance qui est la curiosité. Par exemple, j’essaie toujours de comprendre le point de vue des autres et je suis passionné par les spiritualités du monde, l’histoire, les voyages… Ce qui me rend tolérant est aussi le sentiment de mon ignorance, “Tout ce que je sais, c’est que je ne sais pas”, que beaucoup de domaines relèvent du peut-être. Cela fait que je suis prêt à accueillir l’option de l’autre.
C’est proche d’une autre valeur : le respect.
Oui, c’est la deuxième pierre de ma tolérance. Je demande aux autres le respect que je leur accorde. Après, je peux ne pas être d’accord et me battre, en raisonnant.